miércoles, septiembre 01, 2010

CAMINO DE MARURI








Les Chants de Maldoror -Chant Premier I
Comte de Lautréamont (Isidore Ducasse) (Uruguay, 1846-1870)

I
Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison; car, à moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d'esprit égale au moins à sa défiance, les émanations mortelles de ce livre imbiberont son âme comme l'eau le sucre. Il n'est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre; quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. Par conséquent, âme timide, avant de pénétrer plus loin dans de pareilles landes inexplorées, dirige tes talons en arrière et non en avant. Écoute bien ce que je te dis: dirige tes talons en arrière et non en avant, comme les yeux d'un fils qui se détourne respectueusement de la contemplation auguste de la face maternelle; ou, plutôt, comme un angle à perte de vue de grues frileuses méditant beaucoup, qui, pendant l'hiver, vole puissamment à travers le silence, toutes voiles tendues, vers un point déterminé de l'horizon, d'où tout à coup part un vent étrange et fort, précurseur de la tempête. La grue la plus vieille et qui forme à elle seule l'avant-garde, voyant cela, branle la tête comme une personne raisonnable, conséquemment son bec aussi qu'elle fait claquer, et n'est pas contente (moi, non plus, je ne le serais pas à sa place), tandis que son vieux cou, dégarni de plumes et contemporain de trois générations de grues, se remue en ondulations irritées qui présagent l'orage qui s'approche de plus en plus. Après avoir de sang-froid regardé plusieurs fois de tous les côtés avec des yeux qui renferment l'expérience, prudemment, la première (car, c'est elle qui a le privilége de montrer les plumes de sa queue aux autres grues inférieures en intelligence), avec son cri vigilant de mélancolique sentinelle, pour repousser l'ennemi commun, elle vire avec flexibilité la pointe de la figure géométrique (c'est peut-être un triangle, mais on ne voit pas le troisième côté que forment dans l'espace ces curieux oiseaux de passage), soit à bâbord, soit à tribord, comme un habile capitaine; et, manoeuvrant avec des ailes qui ne paraissent pas plus grandes que celles d'un moineau, parce qu'elle n'est pas bête, elle prend ainsi un autre chemin philosophique et plus sûr.


Los Cantos de Maldoror -Canto Primero I

I
Ruego al cielo que el lector, animado y momentáneamente tan feroz como lo que lee, encuentre, sin desorientarse, su camino abrupto y salvaje, a través de las desoladas ciénagas de estas páginas sombrías y llenas de veneno, pues, a no ser que aporte a su lectura una lógica rigurosa y una tensión espiritual semejante al menos a su desconfianza, las emanaciones mortales de este libro impregnarán su alma lo mismo que hace el agua con el azúcar. No es bueno que todo el mundo lea las páginas que van a seguir; sólo algunos podrán saborear este fruto amargo sin peligro. En consecuencia, alma tímida, antes de que penetres más en semejantes landas inexploradas, dirige tus pasos hacia atrás y no hacia adelante, de igual manera que los ojos de un hijo se apartan respetuosamente de la augusta contemplación del rostro materno; o, mejor, como durante el invierno, en la lejanía, un ángulo de grullas friolentas y meditabundas vuela velozmente a través del silencio, con todas las velas desplegadas, hacia un punto determinado del horizonte, de donde, súbitamente, parte un viento extraño y poderoso, precursor de la tempestad. La grulla más vieja, formando ella sola la vanguardia, al ver esto mueve la cabeza, y, consecuentemente, hace restallar también el pico, como una persona razonable, que no está contenta (yo tampoco lo estaría en su lugar), mientras su viejo cuello desprovisto de plumas, contemporáneo de tres generaciones de grullas, se agita en ondulaciones coléricas que presagian la tormenta, cada vez más próxima. Después de haber mirado numerosas veces, con sangre fría, a todos los lados, con ojos que encierran la experiencia, prudentemente, la primera (pues ella tiene el privilegio de mostrar las plumas de su cola a las otras grullas, inferiores en inteligencia), con su grito vigilante de melancólico centinela que hace retroceder al enemigo común, gira con flexibilidad la punta de la figura geométrica (es tal vez un triángulo, aunque no se vea el tercer lado, lo que forman en el espacio esas curiosas aves de paso), sea a babor, sea a estribor, como un hábil capitán, y, maniobrando con alas que no parecen mayores que las de un gorrión, porque no es necia, emprende así otro camino más seguro y filosófico.





música: AMALIA RODRIGUES: Fado do Ciúme



DedicO este post a DUCASSE SADE

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